Alimentation autour d’un match de rugby

Arriver le jour du match en pleine possession de ses moyens physiques, techniques, cognitivo-tactiques et psychologiques, être capable de maintenir plusieurs efforts intenses tout au long de la rencontre, et en particulier à la fin, et récupérer de façon optimale afin de pouvoir enchaîner les matchs nécessitent l’élaboration d’une stratégie nutritionnelle et micronutritionnelle. La stratégie nutritionnelle au rugby est le choix des aliments ingérés alors que la stratégie micronutritionnelle concerne le choix des micronutriments ingérés c’est-à-dire les vitamines, minéraux, oligo-éléments. Comme dans toute discipline collective, une stratégie nutritionnelle adaptée peut faire toute la différence entre deux équipes de niveau similaire en termes de physique, tactique et technique.

Sommaire

Les spécificités alimentaires des joueurs de rugby

Les objectifs d’une bonne alimentation pour le joueur de rugby sont :

  • Prévenir les déficits en vitamines et minéraux ;
  • Eviter tout problème digestif ;
  • Gérer de façon optimale le protocole de gestion du poids à l’approche de la compétition sans altérer les capacités physiques (en particulier, le rapport poids / puissance musculaire) et psychologiques de l’individu ;
  • Avoir une teneur en glycogène musculaire et hépatique (c’est-à-dire les réserves de glucose dans les muscles et le foie) optimale et un état d’hydratation suffisant le jour de la rencontre ;
  • Garantir un apport de glucides entre les efforts afin de limiter l’utilisation des stocks de glycogène musculaire et hépatique, garantir une hydratation optimale et limiter les pertes minérales ;
  • Optimiser la récupération : resynthèse des stocks de glycogène musculaire et hépatique, réhydratation, reminéralisation, favoriser la reconstruction musculaire, l’élimination des déchets et l’équilibre acido-basique.

J’aborde plus en détail l’alimentation au rugby dans un article dédié.

Quelle optimisation du rapport poids / puissance musculaire du rugbyman ?

En rugby, l’objectif est généralement d’atteindre un rapport poids / puissance musculaire optimal, sans altération ni de la santé ni de la capacité de performance. Ainsi, l’objectif sera une perte de masse grasse avec maintien ou gain de masse musculaire. De nombreuses erreurs sont commises régulièrement par les sportifs, même au plus haut niveau, dans le but d’atteindre cet objectif : perte de poids trop rapide et/ou trop importante, régime trop rapproché de la compétition, déficiences en micronutriments essentiels au cours du protocole de perte de poids, pertes en eau trop importantes… Ces nombreuses erreurs induisent des conséquences délétères indéniables sur la capacité de performance sportive (aussi bien à l’entraînement qu’au cours de la compétition).

Comment bien gérer son poids à l’approche d’une compétition ?

Je propose ainsi les recommandations suivantes dans le but d’optimiser la gestion du poids du corps à l’approche de la compétition :

  • Estimer l’objectif de perte de poids de manière réaliste, en tenant compte du pourcentage de masse grasse corporelle (on peut calculer le poids minimal en prenant environ 5% de masse grasse pour un homme, 12% pour une femme). Par exemple, pour un rugbyman de 90 kg qui aurait 10% de masse grasse, l’objectif sera d’atteindre au plus bas un poids correspondant à 5% de masse grasse, soit environ 85,5 kg,
  • De commencer le régime suffisamment longtemps avant le début de saison de manière à perdre au maximum 1 kg par semaine. Dans l’exemple de notre rugbyman ci-dessus, il devra donc au plus tard commencer son régime 4,5 semaines avant la compétition pour perdre ses 4,5 kg. Cette perte de poids progressive permettra d’éviter les effets néfastes du régime sur la composition corporelle, l’état nutritionnel, et la baisse de la capacité d’entraînement durant la période de régime,
  • De maintenir au cours du régime une alimentation équilibrée en macro et micro nutriments ainsi qu’une bonne hydratation. Différentes études scientifiques ont mis en évidence que les régimes trop restrictifs avec des pertes de poids rapides induisent non seulement une diminution de la performance à l’entraînement, mais également une fragilisation du système immunitaire qui peut s’avérer préjudiciable pour le sportif à l’approche de la compétition,
  • De maintenir un apport protéique suffisant afin d’équilibrer la balance azotée, c’est-à-dire d’équilibrer le rapport entre synthèse et dégradation des protéines, pour conserver la masse musculaire.

Quelle alimentation au rugby suivant le moment de la saison ?

Le mois précédant le début de saison et en cours de saison

Pendant le mois qui précède le début de saison, mais également en cours de saison, le rugbyman devra :

  • veiller à maintenir son poids de forme par une alimentation adéquate, 
  • éviter les déficiences en vitamines et minéraux, 
  • protéger sa flore intestinale pour limiter les troubles gastro-intestinaux pendant et après l’effort (intérêt des probiotiques)
  • augmenter son statut total en antioxydants afin de diminuer les dommages et douleurs musculaires après les matchs. 

Les jours précédant le match de rugby

Il existe différentes théories pour la stratégie nutritionnelle à adopter pendant la semaine qui précède l’épreuve. Néanmoins, ces différentes théories ont pour la plupart été testées chez des sportifs d’autres spécialités que le rugby. Elles n’en restent pas moins instructives pour le rugbyman. Certains ont proposé des régimes riches en lipides. Le but était d’optimiser l’utilisation des lipides à l’exercice puisque ceux-ci représentent l’une des deux principales sources d’énergie nécessaire afin d’assurer la contraction musculaire. Appliqués sur des périodes de 4 jours à 7 semaines, ces régimes n’ont pas permis, dans la majorité des cas, d’obtenir des résultats supérieurs à ceux des régimes riches en glucides sur la performance. L’absence d’effets positifs de cette stratégie nutritionnelle est, par ailleurs, prévisible dans la mesure où l’élévation de la proportion de lipides dans la ration alimentaire peut influencer le métabolisme glucidique.

Les régimes glucidiques ont fait l’objet de très nombreux travaux et, même si les données manquent chez les joueurs de rugby, elles doivent néanmoins faire l’objet d’une attention toute particulière. En effet, une diminution importante des stocks de glycogène musculaire et hépatique (réserves de glucose dans les muscles et le foie) ne permet pas de maintenir un niveau d’exercice élevé. Quand cette situation survient au cours d’un match, les exercices de sprints deviennent très difficiles, le joueur de rugby se retrouve alors dans l’incapacité de maintenir son niveau de jeu et de réaliser correctement des gestes techniques. Parmi les régimes glucidiques on peut citer le Régime Dissocié Scandinave ou RDS dont l’objectif est l’obtention d’un taux de glycogène particulièrement élevé au moment de l’épreuve. On parle de « surcompensation glycogénique ». 

Ce régime, certes efficace pour augmenter les réserves glycogéniques, n’est néanmoins pas dépourvu d’effets secondaires :

  • Perte de poids, 
  • Troubles digestifs, 
  • Fatigue,
  • Diarrhée,
  • Hypoglycémie,  
  • Troubles de l’humeur. 

Aussi, je recommande plutôt le Régime Dissocié Modifié beaucoup mieux toléré et assurant également une « surcompensation glycogénique ». Dans ce régime, l’alimentation de J-6 à J-3 est normoglucidique (40 à 50% de l’AET) et celle de J-3 au jour J est hyperglucidique comme dans le RDS. 

Le repas la veille du match de rugby

Ce repas doit permettre au joueur d’augmenter de façon importante ses réserves glycogéniques et donc d’accroître sa performance lors de la compétition. Il devra être composé en majorité d’aliments à index glycémique moyen comme les pâtes complètes. Je recommande que ce repas soit composé d’aliments bien tolérés sur le plan digestif et gustatif par le rugbyman. 

Le dernier repas avant le match de rugby

Le dernier repas, ou repas pré-compétitif, est très important. Généralement, ce repas a lieu en fin de matinée ou le midi pour les rugbymen (car les matchs ont souvent lieu en début ou milieu d’après-midi ou encore le soir) qu’ils soient amateurs ou professionnels.

Les deux objectifs principaux de ce repas sont d’augmenter les réserves glycogéniques (réserves de glucose) dans les muscles et le foie et d’hydrater correctement l’organisme. Ce repas doit par ailleurs être intégré dans le contexte du jour c’est-à-dire contexte de compétition dans lequel le niveau de stress augmente. Ainsi, la circulation sanguine au niveau du tube digestif peut être diminuée entraînant une moins bonne absorption intestinale des nutriments. 

Le dernier repas doit donc tenir compte des préférences alimentaires du rugbyman, du stress induit par le match et de la digestibilité des aliments. Ce repas devrait idéalement être pris 3 h avant le début de la rencontre et comporter des aliments à index glycémique bas c’est-à-dire des aliments qui élèvent lentement le taux de glucose dans le sang. L’hydratation devra être effectuée par la prise régulière d’eau en petite quantité. 

Ration d’attente avant le match de rugby

Les objectifs principaux du joueur de rugby lors des trois dernières heures avant la compétition sont : 

  • d’optimiser l’hydratation,
  • de maintenir les réserves énergétiques et en particulier glycogéniques (réserves de glucose),
  • et d’éviter l’hypoglycémie.

L’hypoglycémie est un problème majeur durant les trois dernières heures d’attente. En effet, dans les derniers moments, le niveau de stress augmente, on parle de stress pré-compétitif. Or, plus ce stress est haut et plus le risque d’hypoglycémie avant l’effort est important. Pour palier cet effet, mais aussi pour garantir une hydratation optimale et un maintien des réserves énergétiques, je recommande la consommation d’une boisson d’attente type boisson d’attente maison contribuant également à retarder l’apparition de la fatigue en match. 

L’alimentation pendant le match de rugby

Les objectifs du joueur de rugby sont :         

  • de garantir un apport de substrats énergétiques exogènes entre les efforts afin de maintenir les stocks de glycogène musculaire et hépatique (réserves de glucose dans les muscles et le foie) ;
  • de maintenir une hydratation suffisante ;
  • et de limiter les pertes minérales;
  • in fine de prévenir l’apparition de troubles fonctionnels, de crampes…;

Je recommande la consommation d’une boisson de l’effort du commerce (cf. comparatif des boissons énergétiques du marché mis à jour tous les ans) ou d’une boisson énergétique maison (ou boisson sport maison) d’apport glucidique permettant à l’organisme de retarder la diminution des stocks de glycogène contenus dans les muscles actifs et dans le foie, et de diminuer la sensation de fatigue. L’association de différents sucres simples (fructose, glucose en particulier) permet une meilleure utilisation du glucose par l’organisme par rapport à une boisson ne contenant que du glucose. Cela est en partie dû à l’existence de différents transporteurs pour ces sucres (on évite ainsi le phénomène de saturation).

Cette boisson doit également contenir du sel en quantité suffisante. En effet, comparé à l’ingestion d’eau, une consommation adéquate de sel (avec de l’eau) pendant un exercice aide à soutenir la pression osmotique pour boire, à maintenir le volume des fluides dans l’organisme, à uriner moins et à éviter la chute de la concentration plasmatique en sodium. La vidange gastrique est également favorisée, ce qui a un impact positif sur l’utilisation des glucides à l’effort.

En théorie, la quantité de boisson ingérée est fonction de la durée et de l’intensité de l’épreuve. Elle varie entre 0,5 L et 1,5 L par heure. Mais durant un match, le rugbyman se trouve face à un problème majeur puisqu’il ne peut s’hydrater que pendant la mi-temps et éventuellement pendant les différents arrêts de jeu (tirs de pénalité, blessure d’un joueur…). Autrement dit, la déshydratation au cours d’un match est très probablement inévitable (transpiration,…). Aussi, je recommande aux rugbymen de bien s’hydrater pendant les trois dernières heures précédant la rencontre afin de créer un léger état de « surhydratation« .

En ce qui concerne la quantité de boisson de l’effort d’apport glucidique ingérée pendant la mi-temps, celle-ci est individuelle, elle dépend en grande partie de la tolérance gastro-intestinale du joueur. Je recommande néanmoins principalement une boisson de récupération protéique et glucidique, riche en minéraux (Na, K, Mg…) et vitamines (B, C…), pour faciliter la reconstruction temporaire des fibres musculaires lésées à l’effort ainsi que l’apport énergétique pour aborder la seconde mi-temps dans les meilleures conditions. En période d’entraînement, le problème est différent. En effet, on pourra faciliter les apports hydriques et glucidiques en plaçant des bouteilles autour du terrain de telle manière que les joueurs puissent les utiliser immédiatement au moindre arrêt.

Les conditions environnementales comme la température et le degré d’hygrométrie sont également des facteurs à prendre en compte. À cet égard, je recommande la prise de boissons isotoniques pendant des entraînements ou des matchs en ambiance neutre (température extérieure < 25°C) et hypotoniques en ambiance chaude (température extérieure > 25°C). 

Remarque : la prise de gels (gel énergétique maison ou du commerce) en parallèle de la boisson de l’effort peut être envisagée en complément d’appoint énergétique et glucidique. (cf. comparatif des gels énergétiques du marché mis à jour tous les ans).

Quoi manger après un match de rugby ?

Les objectifs du rugbyman pour optimiser la récupération sont :

  • réhydrater l’organisme,
  • reminéraliser,
  • assurer la resynthèse des stocks de glycogène musculaire et hépatique (réserves de glucose dans les muscles et le foie),
  • favoriser la reconstruction musculaire,
  • favoriser l’élimination des déchets,
  • favoriser l’équilibre acido-basique.

Lors d’une rencontre, les pertes sudorales sont généralement supérieures à l’apport hydrique. Les conséquences de cette déshydratation sont multiples : catabolisme favorisé, apparition de crampes et/ou de tendinites favorisée, augmentation du risque de calculs rénaux.

La réhydratation va permettre de réduire le risque de calculs rénaux, favoriser la construction cellulaire et favoriser l’élimination des déchets. 

Un apport en sodium et potassium est également recommandé. Le sodium va permettre d’accélérer la récupération du volume plasmatique et l’entrée de l’eau dans nos cellules. Quant au potassium, il est nécessaire pour assurer une resynthèse correcte du glycogène. 

Pour lutter contre l’acidose, il est recommandé de consommer des boissons alcalinisantes (Perrier®, Salvetat®, Vichy®,…)

La consommation de glucides après un effort est particulièrement importante pour la resynthèse des stocks de glycogène. Cette consommation doit se faire juste après l’effort. En effet, plus cette consommation est rapide et plus la quantité de resynthèse du glycogène sera importante. En pratique, je recommande un apport de glucose et fructose, le glucose servant majoritairement à la resynthèse du glycogène musculaire alors que le fructose sert davantage à la resynthèse du glycogène hépatique. 

Je recommande également la consommation de protéines après un match ou un entraînement afin de limiter le catabolisme protéique et de favoriser son anabolisme. En d’autres termes, l’apport de protéines doit permettre de favoriser la construction musculaire. 

Ainsi, en pratique, après un match de rugby, la consommation d’une boisson de récupération est intéressante pour cela, ainsi que des barres énergétiques du commerce (cf. Comparatif des barres énergétiques du marché remis à jour tous les ans).

Note : dans les quelques heures après le match, pas de boissons alcoolisées type bière, sodas type colas, boissons énergisantes… qui sont non adaptées pour le rugbyman.

Conclusion sur l’alimentation du joueur de rugby

Chaque rugbyman est unique et les caractéristiques individuelles de chacun font que l’environnement (diététique, psychologique, physique, technique, tactique,…) ne sera jamais identique. Pensez à ajuster les apports alimentaires en fonction des besoins spécifiques de chaque joueur de rugby. Gardez à l’esprit : ce qui s’applique à l’un ne s’applique pas forcément pour le partenaire d’entraînement !

Enfin, fiez-vous à des professionnels de l’entraînement (entraîneurs qualifiés, préparateurs physiques diplômés) et de santé (médecins du sport, diététiciens nutritionnistes, psychologues…). Eux seuls peuvent vous guider dans votre démarche de performance.

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