La diététique clinique

Le syndrome métabolique

Par Nicolas - 14 minutes de lecture
le syndrome métabolique

D’après une étude coordonnée par l’OMS (1), la prévalence du syndrome métabolique en France serait de 22.5% chez les hommes et 18.5% chez les femmes. Cependant, le syndrome métabolique n’est pas une maladie en soi mais un ensemble de signes avant-coureurs (phisiologiques et biochimiques) annonciateurs de problèmes de santé grave à venir. La Diététique clinique a un rôle à jouer pour lutter contre ce syndrome, je vous explique tout cela dans l’article.

Sommaire

Qu’est-ce que le syndrome métabolique ?

Le syndrome métabolique (ou syndrome X, syndrome de la bedaine) regroupe une association à combinaisons multiples de différentes anomalies métaboliques :

  • Obésité, notamment obésité abdominale (IMC, rapport des circonférences taille/hanche, circonférence abdominale…),
  • Élévation des triglycérides (TG),
  • Élévation de la glycémie (glycémie élevée à jeun, intolérance au glucose, diabète sucré…),
  • Élévation de la pression artérielle (Hypertension artérielle ou HTA),
  • Diminution du HDL-cholestérol (ou « bon cholestérol »).

Le syndrome métabolique est un état évolutif qui commence par l’obésité, en particulier abdominale. Il évolue vers un pré-diabète et un diabète de type 2. Chaque stade est aggravé par un mode de vie sédentaire et une alimentation inadaptée et le risque cardiovasculaire augmente progressivement de l’obésité jusqu’au diabète => c’est le cercle vicieux qui engendre une forme de spirale négative !

Le syndrome métabolique en chiffres

Le syndrome métabolique touche ¼ de la population américaine, dont 40% des plus de 50 ans. En Europe, 15 % de la population est concernée, dont 1/3 des seniors. Ces chiffres représentent une population de plusieurs dizaines de millions de malades, qui s’exposent à une morbidité et une mortalité accrue dont la multiplication du risque cardio-vasculaire (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, diabète…)

En France, la prévalence du syndrome métabolique est nettement supérieure dans les régions du nord de la France, comparée à celles du sud. On remarque également que les hommes sont plus touchés que les femmes. Aussi, la prévalence du syndrome métabolique augmente avec l’âge, et ceci, qu’on soit un homme ou une femme. Jusqu’à l’âge de 55-60 ans, les hommes sont plus touchés que les femmes, mais la différence diminue passé cet âge.

Syndrome métabolique et obésité périviscérale

Selon les critères récents définissant le syndrome métabolique, l’élément majeur est l’obésité centrale telle que mesurée par la circonférence de la taille. Cela est relié au fait que le facteur pathogénique sous-jacent semble être l’obésité abdominale, particulièrement viscérale.

D’autre part, il est reconnu que l’élément causal est la résistance à l’insuline. Cependant, il demeure très difficile de départager les effets indépendants de la résistance à l’insuline et de l’obésité abdominale viscérale, ces deux facteurs étant fortement interdépendants.

L’obésité est un problème de santé publique. Le tissu adipeux est constitué de dépôts anatomiques très distincts ayant des fonctions différentes selon leur localisation.

On distingue deux types de tissu adipeux :

  • Le tissu adipeux sous-cutané localisé comme son nom l’indique sous la peau et en avant des muscles abdominaux. Celui-ci est présent en majorité dans la partie inférieure du corps, telles les fesses et les cuisses.
  • Le tissu adipeux viscéral localisé dans la cavité abdominale, en arrière des muscles abdominaux.

Pour un IMC (Indice de Masse Corporelle) pratiquement identique, on peut avoir une répartition totalement différente du tissu adipeux. La connaissance de cette répartition est très importante pour l’identification des futures complications métaboliques, et notamment du syndrome métabolique.

En effet,  de nombreuses études ont montré l’existence d’un lien très significatif entre l’importance du tissu adipeux péri-viscéral et diverses anomalies associées au syndrome métabolique : baisse de la tolérance au glucose, hypertension artérielle, dyslipidémie, hyperinsulinémie…  Ce qui n’est pas le cas pour le tissu adipeux sous-cutané.

Syndrome métabolique et tissu adipeux

Le tissu adipeux n’est pas qu’un organe de stockage d’énergie mais il est un organe sécrétoire, produisant des cytokines, des facteurs de croissance, des hormones. Ces différentes substances sont sécrétées localement ou dans la circulation pour agir à distance (effet systémique). Pendant longtemps, le tissu adipeux a été considéré comme un tissu de « stockage » emmagasinant les graisses en période d’abondance (via la lipogénèse) et les relachant en période de jeûne via la lipolyse.

Actuellement, il est clairement établi que le tissu adipeux est capable de sécréter de nombreuses molécules (appelées adipocytokines) ayant des propriétés régulatrices comme :

  • La Leptine : hormone impliquée dans le contrôle de l’homéostasie énergétique,
  • Le TNF-α (facteur de nécrose tumorale) et l’IL-6 (Interleukine) potentiellement impliquées dans l’insulino-résistance et l’inflammation,
  • La Résistine : hormone impliquée dans la résistance à l’insuline,
  • L’Adiponectine dont on va parler plus en détail par la suite…

Mais la cellule adipeuse (ou adipocyte), est capable de sécréter un tas d’autres protéines : stéroïdes sexuels, facteurs du complément, angiotensinogène, angiotensine II, acides gras libres…

Focus sur la Leptine

En situation d’alimentation normale, les graisses commencent par être stockées. En même temps, le niveau de leptine (hormone du tissu adipeux) augmente et envoie son message au cerveau : « il y a assez de réserve de graisses, tu peux arrêter de stocker et augmenter le métabolisme ». C’est ainsi que l’organisme autorégule ses réserves en diminuant la faim et en augmentant la vitesse à laquelle il brûle les calories. En cas de régime, les adipocytes diminuent de taille, les niveaux de leptine diminuent aussi et le message au cerveau est : « il n’y a plus beaucoup de réserves, diminue le métabolisme ».

Cependant, chez des personnes présentant un surpoids, un autre scénario peut se mettre en place, dans lequel le message de la leptine ne parvient plus aussi efficacement au niveau du cerveau. En effet, les personnes souffrant d’un excès de poids présentent presque toutes des niveaux élevés de leptine, mais celle-ci ne parvient pas à communiquer son message au cerveau : ils ont développé une résistance à la leptine. Les signaux de la faim continuent donc de sonner : le métabolisme ne se met pas en mode « brûler les graisses », puisque le cerveau interprète cette absence de message provenant de la leptine comme un signal disant qu’il n’y a pas assez de réserves de graisses et donc qu’il faut continuer à les remplir.

Focus sur l’Adiponectine, une molécule centrale

L’adiponectine est une protéine spécifique du tissu adipeux. Elle possède des propriétés anti-athérogéniques (diminution de la formation des cellules, spumeuses, de la captation des vésicules de LDL-cholestérol oxydées, de l’expression des molécules d’adhésion…) et anti-diabétiques (augmentation de la sensibilité à l’insuline, de la captation de glucose par les cellules musculaires, augmentation de l’oxydation des acides gras libres, diminution de la production de glucose, des triglycérides intracellulaires…).

En plus de leurs actions sur les éléments de la voie de signalisation de l’insuline, l’IL-6 et le TNF-a sont capables de diminuer l’expression et la sécrétion de l’adiponectine dans les adipocytes. D’autres molécules impliquées dans la résistance à l’insuline, telles que les glucocorticoïdes et les agonistes beta-adrénergiques, entraînent une diminution de l’expression de l’adiponectine.

De façon générale, l’adiponectine exerce son rôle anti-diabétique au niveau du foie et du muscle squelettique en augmentant la sensibilité à l’insuline de ces organes. Au niveau hépatique, elle contribue à diminuer la production de glucose et à réduire le contenu en triglycérides pour ainsi favoriser une augmentation de la sensibilité à l’insuline. Dans le muscle squelettique, l’adiponectine permet une augmentation de l’entrée de glucose et une augmentation de l’oxydation des acides gras, phénomènes contribuant également à améliorer la sensibilité à l’insuline. Ces effets semblent passer en partie par une augmentation de l’oxydation des acides gras au niveau de muscle et du foie, une stimulation de l’entrée du glucose dans le muscle et une diminution de la gluconéogenèse dans le foie.

De plus, elle inhibe le développement de l’athérosclérose et semble donc jouer un rôle clé dans le syndrome métabolique.

L’ensemble de ces données montre que l’adiponectine exerce des propriétés insulino-stimulantes, anti-inflammatoires et anti-athérogènes, ce qui fait de cette molécule, ou de ses analogues synthétiques, un outil thérapeutique potentiel qui pourrait élargir l’arsenal thérapeutique pour le traitement du syndrome métabolique.

L’adiponectine, par son rôle dans le métabolisme des glucides et des lipides, serait au cœur du mécanisme de dérèglement.

Contrairement aux autres adipocytokines, les concentrations plasmatiques d’adiponectine sont diminuées chez le sujet obèse. La même observation a été faite chez le sujet diabétique de type 2 et/ou atteint de maladies cardio-vasculaires. Cette diminution du taux d’adiponectine chez les personnes obèses va être à l’origine du phénomène d’insulinorésistance.

Syndrome métabolique, obésité viscérale et diabète de type II

L’obésité androïde, qu’elle soit de cause génétique ou acquise (c’est-à-dire due à une alimentation peu équilibrée et/ou associée à de la sédentarité) peut provoquer l’apparition d’une insulinorésistance.

Chez une personne résistante à l’insuline, il y a un trouble de réception de message : les cellules répondent moins bien ou plus du tout à l’insuline. Ainsi, malgré un fonctionnement normal du pancréas, le glucose reste dans le sang et l’hyperglycémie s’accentue progressivement, entraînant également un hyperinsulinisme (concentration anormalement élevée d’insuline au niveau sanguin). Finalement, le pancréas se fatigue de cette stimulation permanente et peut alors ne plus fabriquer suffisamment d’insuline : c’est l’insulino-nécessitance.

L’insulinorésistance va également avoir une 2ème conséquence, qui est l’élévation des acides gras libres.

Ces deux phénomènes sont à l’origine d’une glucotoxicité et d’une lipotoxicité se traduisant au niveau pancréatique par une apoptose (ou mort cellulaire programmée, les cellules déclenchant leur propre destruction en réponse à un signal) des cellules β.En effet, l’exposition chronique à des concentrations élevées d’acides gras entraîne une accumulation d’Acyl-CoA dans les cellules β du pancréas qui se traduit par la disparition de 50% de ces cellules par apoptose. Le diabète de type 2 affecte davantage les personnes obèses, notamment celles qui souffrent d’obésité viscérale, c’est pourquoi on l’appelle aussi diabète gras.

Syndrome métabolique, obésité viscérale, insulinorésistance et maladies cardiovasculaires

L’excès de tissu adipeux viscéral va entraîner une augmentation des acides gras circulants ayant comme conséquence au niveau du foie une augmentation des TG, des apolipoprotéines apoB, du glucose et l’apparition d’une insulinorésistance.

Au niveau du muscle squelettique, cet excès de tissu adipeux viscéral va entraîner une insulinorésistance.

Il sera également à l’origine de complications cardio-vasculaires, en raison d’une forte augmentation de sécrétion de PAI-1 (pour Inhibiteur de l’Activateur du Plasminogène 1, un inhibiteur de la fibrinolyse), d’IL-6 et TNF-α,de résistine et une forte diminution de sécrétion d’adiponectine. L’ensemble de ces phénomènes menant in fine au développement de la plaque d’athérome.

Enfin, l’obésité et l’insulinorésistance peuvent avoir de nombreuses conséquences au niveau cardio-vasculaire, avec l’apparition d’une hypertension, une activation de l’agrégation plaquettaire et le développement de lésions d’athérosclérose.

Concernant l’hypertension, plusieurs mécanismes ont été avancés :

  • Rétention hydro-sodée,
  • Stimulation du système nerveux sympathique (vasoconstriction et augmentation du débit cardiaque),
  • Hypertrophie des cellules musculaires lisses vasculaires,
  • Dysfonction endothéliale avec diminution de la production de NO (monoxyde d’azote).

Une deuxième atteinte vasculaire impliquant une augmentation de l’agrégation plaquettaire, notamment par une hyperproduction de PAI-1 (inhibiteur de l’activateur du plasminogène) par le tissu adipeux. PAI-1 va inhiber l’action de l’activateur du plasminogène et empêcher ainsi la fibrinolyse de se dérouler, menant rapidement à la thrombose.

L’ensemble de ces phénomènes, combinés à la dyslipidémie, aboutit rapidement à la formation de lésion d’athérosclérose.

Quelle prise en charge pour un syndrome métabolique ?

Cela va dépendre de ce que l’on veut prendre en charge…

  1. Veut-on traiter la cause? => l’obésité abdominale,
  2. Les complications ? => l’hypertension artérielle, les triglycérides, le cholestérol, le diabète, …
  3. Ou encore le stade ultime que représente la maladie coronarienne (« la conséquence »).

La prise en charge du syndrome métabolique commence par des règles hygiéno-diététiques dans le but de diminuer la proportion de graisse viscérale. Dans la majorité des cas, une perte de poids de 5 à 15% constitue un objectif réaliste, entraînant des bénéfices pour la santé. La pratique d’une activité physique régulière, d’intensité modérée, est recommandée non seulement pour le contrôle du poids à long terme mais aussi pour l’amélioration de la situation métabolique. Il faut donc augmenter son niveau d’activité physique dans la vie quotidienne (marcher d’un pas soutenu, prendre l’escalier, faire du vélo, de la gym douce…).

Une diminution de 10% du poids est environ égale à une réduction de 30% de l’adiposité viscérale.

Remarques : L’inhibition d’expression de l’adiponectine est réversible en cas de perte de poids. Pour les fumeurs, l’arrêt du tabac sera nécessaire pour permettre un retour à la normale du taux de HDL-cholestérol (dans le sens d’une majoration).

Puis, il existe également des traitements médicamenteux spécifiques dont l’objectif est de contrer les complications du syndrome : anti-hypertenseurs, anti-diabétiques oraux, insulines, anti-thrombotiques (aspirine…), fibrates et statines (pour les dyslipidémies cholestérol et/ou TG)…

En conclusion sur le syndrome métabolique

La prise en charge hygiéno-diététique (alimentation, activité physique, sommeil…) à visée perte de poids et modification de la composition corporelle reste la première brique à poser dans le cadre de l’amélioration du syndrome métabolique. Il est essentiel de partir sur cette base si on veut des résultats positifs sur le long terme. La notion de chronicité est essentielle. Il faut récolter des habitudes saines pour évoluer vers un comportement prophylactique pour soi. Cela bien évidemment demande une démarche active (prendre ses baskets et sortir marcher, faire la cuisine, réfléchir sur soi, ne pas être dans le déni…) et non passive (juste prendre des médicaments). Il faut sortir de sa zone de confort!

Mes autres articles sur la diététique clinique

 




Nicolas AUBINEAU
Diététicien Nutritionniste du sport et en clinique

 

(1) Gamila S, Dallongeville J. Épidémiologie du syndrome métabolique en France ; 2003.