Malto ou maltodextrine : mythe ou réalité ?
Mythe ou réalité la maltodextrine les 3 jours avant une course ? En tant que Diététicien du sport, je vous réponds en toute transparence car je lis et entends tout et son contraire. Très utilisée en préparation d’une course, la Malto est pour certains un produit miracle, pour d’autres une supercherie… et je répondrais qu’elle peut être les 2 à la fois suivant sa composition. Voici mes explications.
Sommaire
Pourquoi une alimentation spécifique aux sportifs (avec ou sans maltodextrine) ?
Qui ne connaît pas le mythique « mur du marathon » (impression d’être amorphe et sans jus !) et que beaucoup ont rencontré au moins une fois dans leur vie (et qui peut être atténué par la prise d’une boisson énergétique du commerce ou boisson énergétique maison). Sur le plan physiologique, cela correspond entre autre à une diminution importante des stocks de glycogène musculaire (réserve de sucre à visée énergétique). Dans les années 1960, les chercheurs en diététique sportive ont essayé de trouver des solutions pour commencer les compétitions avec des réserves optimales en glycogène (hépatique mais surtout musculaire). La finalité est que plus nos stocks sont importants au départ, plus l’éventuelle arrivée du mur s’éloigne !
Différents concepts alimentaires ont été testés. Les premières études étaient une surcharge glucidique chez des sportifs non entraînés durant les sept jours qui précèdent une épreuve d’endurance. Puis l’évolution étant, arriva la diététique dissociée en deux temps, portant le nom de « Régime Dissocié Scandinave ». La première phase (trois à quatre jours généralement) consistait en un régime alimentaire pauvre en glucides associé à des exercices intenses dont le but est de diminuer au maximum les réserves en glycogène suivi d’une seconde phase (trois à quatre jours) comprenant une alimentation riche en glucides associée ou non à des exercices peu intenses.
Ces derniers temps, cette diététique a été un peu modifiée : elle comprend essentiellement une augmentation des apports alimentaires en glucides lors des trois derniers jours précédant la compétition, plus pratique à mettre en place sur le terrain. Il est démontré que la surcompensation glycogénique est optimale pour un régime alimentaire riche en glucides (10 à 12 g/kg/jour) les trois jours précédant l’épreuve.
Ensuite vient la question : quel(s) type(s) de glucides privilégier ? Certains auteurs pensent qu’il faut privilégier des glucides à fort index glycémique (IG), d’autres des glucides à faible IG, enfin certains pensent que le type de glucides n’est pas le plus important.
Qu’est-ce que la Malto ?
Encore appelée Maltodextrine par certains mordus du bitume mais pas que, il faut plus voir cette nomination comme un ensemble de molécules, identiques et différentes à la fois. Alors au singulier ou au pluriel ?
Les maltodextrines sont un groupe d’entités glucidiques (« sucres ») issu de l’hydrolyse plus ou moins partielle de l’amidon (hydrolyse = « une certaine forme de digestion »), le plus souvent de blé ou de maïs, voir de fécule de tapioca ou pomme de terre. Cette dernière molécule, l’amidon, est un glucide complexe, appelé polysaccharide (« plusieurs sucres »), composé de chaînes de molécules de glucose (ou dextrose, élément de base se prénommant « sucre » directement assimilable par l’organisme) , correspondant à une molécule de réserve pour les végétaux supérieurs et à un constituant essentiel de l’alimentation humaine.
En effet, ce glucide permet un apport d’énergie pour l’organisme pour assurer non seulement ses fonctions vitales (cœur, cerveau…) mais aussi et surtout ses fonctions musculaires sollicitées de manière importantes lors de la pratique sportive. C’est un des facteurs limitant dans les sports d’endurance comme les marathons, ultra, triathlon type Ironman, raids en tout genre mais aussi pour les sports explosifs comme la musculation, les arts martiaux, les sports de raquettes, sports collectifs (rugby, football, handball…)…
Dextrose Equivalent : le terme clé de la maltodextrine ou comment les différencier ?
Quand on parle de maltodextrine, on parle donc d’un mélange de plusieurs « sucres » résultant de l’hydrolyse de l’amidon, comprenant un nombre d’entités glucidiques différentes (oligosaccharides, maltotriose, maltose, glucose…). Un indice est donné pour renseigner sur le degré d’hydrolyse. Ainsi, on parle de DE pour Dextrose Equivalent. Plus celui-ci est élevé, plus l’hydrolyse est élevée et plus les chaînes sont courtes, plus on tend vers un nombre de molécules de glucose par chaîne faible. C’est le principe de la « digestion » ! 🙂
Sur une échelle de valeurs de 0 à 100 :
- DE = 0 : correspond à l’amidon non transformé ;
- DE = 100 : correspond à du glucose (ou dextrose) pur, soit de l’amidon totalement transformé (hydrolysé);
- 0<DE<20 : correspond à l’état de maltodextrines ;
- DE≥20 : correspond à du sirop de glucose (appellation retrouvée sur la liste des ingrédients des produits issus de l’Industrie Agro-Alimentaire ou IAA).
Entre un DE de 0 et 20 (pour les maltodextrines), il y a donc une multitude de combinaisons de maltodextrine ! Ainsi, plus le DE sera bas, plus l’Index Glycémique (IG) le sera également et inversement ! C’est pour cela que l’on parle de plusieurs maltodextrines et non pas d’une seule forme.
Pourquoi consommer de la malto ?
Il existe plusieurs utilisations chez le sportif, et ce, à trois moments distincts : avant, pendant et après l’effort. La maltodextrine sert de complément nutritionnel dont l’objectif unique est d’enrichir la ration alimentaire en glucides donc en énergie facilement utilisable par l’organisme.
Elles sont bien tolérées par l’organisme, il existe peu de retours négatifs concernant d’éventuels troubles digestifs, sa digestion est très correcte, excepté si la consommation est excessive (un peu comme tout type d’aliment). Leur goût reste assez neutre (intéressant pour les sports où l’effort est prolongé dans le temps avec une prise de boissons importante en quantité et sur la durée !), peu sucrant (d’autant plus que le DE est bas), elles sont inodores et se dissolvent facilement, très intéressant pour des conditionnements en poudre à diluer avec de l’eau !
Concernant les boissons d’attente (avant), de l’effort (pendant) et de récupération (après), la proportion en maltodextrine est assez importante.
Remarque : Autre point intéressant des maltodextrines, c’est une osmolarité (pour expliquer simplement, « quantité de molécules par volume de liquide ») moindre apportant un même quota d’énergie comparé aux boissons exclusives en glucose et/ou fructose. Cela est très pratique pour obtenir des boissons diététiques pour le sport hypotoniques ou isotoniques adaptées à la physiologie autour et pendant l’effort (concernant notamment la vidange gastrique et l’assimilation). Attention à ne pas confondre avec les boissons énergisantes non adaptées pour l’effort.
Sucre lent ou sucre rapide ?
Tout d’abord, les termes « sucres lents ou rapides » ne sont plus à jour, bien que souvent utilisés par les athlètes par simplicité ! En effet, prenons l’exemple du pain blanc, il a un index glycémique (IG) élevé mais est considéré comme sucre lent (et les exemples sont nombreux). Il faut à présent utiliser la notion d’Index Glycémique (IG) qui représente l’impact des aliments sur la glycémie (taux de sucre au niveau sanguin). Un glucide qui possède un IG bas (cas du fructose) entraîne une réponse glycémique basse (faible élévation de la glycémie), un glucide avec un IG haut provoque, à l’inverse, une réponse importante concernant la glycémie (le cas du glucose ou du saccharose, le sucre blanc, par exemple). Je vous conseille, pour information, mon article traitant de l’Index Glycémique.
Il n’existe pas qu’une seule maltodextrine ! Par leurs caractéristiques d’ « hydrolysats amylacés» plus ou moins complets, il y a autant d’index glycémiques que de maltodextrines différentes ! On les surnomme dans le milieu sportif les « pâtes liquides », elles revêtent un caractère de glucides à index glycémique bas, haut ou intermédiaire en fonction de leur DE. Globalement, leur IG est plus souvent élevé que bas avec un DE compris entre 15 et 20.
La « nouille liquide » perd alors de sa crédibilité, car très souvent les athlètes utilisent ce type de complément pour assurer des apports comme des féculents, importants, sous forme non solides (donc plus souple que de s’avaler 1kg de féculents), et ce, les quelques jours précédant la compétition.
Ainsi, côté pratique et pour résumer, une boisson diététique intégrant exclusivement des maltodextrines ayant des DE bas possède un IG bas (sans glucose, dextrose par exemple mais avec du fructose éventuellement dans la composition), intéressant pour les périodes d’attente et la mise en réserve de glycogène les quelques jours qui précèdent la compétition (principe de la surcompensation lié au régime dissocié par exemple bien connu des sportifs).
A l’inverse, une boisson diététique avec des maltodextrines ayant un DE élevé (supérieur à 15), avec du glucose, dextrose éventuellement mais sans fructose dans la composition, a un IG élevé avec les conséquences que l’on connaît sur la glycémie en période hors effort !
Le cas concret de la boisson d’une célèbre marque de diététique sportive
De nombreux sportifs utilisent ce genre de boisson les 3 jours qui précèdent un événement sportif. Quand je dis ce genre, je parle de boisson composée uniquement de maltodextrines en terme d’apport glucidique (mais potentiellement associée à quelques vitamines ou minéraux).
Les termes choisis par cette marque (un des leaders français sur ce genre de produit) pour décrire leur produit diététique à base de maltodextrines sont les suivants: « La consommation de Malto, composé à 96% de glucides lents, est un atout considérable, car il assure l’accroissement de vos réserves glycogéniques sans avoir à s’alimenter copieusement : vous mangez des quantités raisonnables aux repas et votre hydratation est idéale en perspective de l’épreuve. » (voir la copie écran)
J’ai volontairement souligné le terme de « glucides lents » car comme je vous l’ai démontré plus haut, seul le DE de la maltodextrines oriente plus vers un IG bas ou intermédiaire, voire élevé .
Il s’avère que le DE de leur maltodextrine inclus dans cette boisson est de 18 (indication fournie par une diététicienne travaillant pour cette marque), ce qui indique donc qu’elle a un IG plus favorable à être intermédiaire, voire élevé que bas et n’est donc pas optimal pour avoir un « glucide lent » comme pourrait l’être le fructose (qui a un IG bas), si consommé isolément bien sûr. Ensuite, il y a la complexité de la ration alimentaire qui vient interagir avec ce produit à base de maltodextrines et qui amène à diminuer généralement son IG de base (interactions avec les fibres, les protéines, les matières grasses, la texture des aliments…)
Voici donc la conclusion de ce point, le marketing autour des maltodextrines est primordial et nombreux sont les sportifs qui croient utiliser un produit pour un effet qu’il n’a pas concrètement !
Remarque: cette marque pertinente de diététique sportive a été la première à répondre et à être transparente par rapport à la composition de leur produit à base de maltodextrines, ce qui n’est pas le cas de certaines marques contactées. L’une va même jusqu’à répondre qu’ils ne sont pas autorisés à donner le DE car c’est une mesure industrielle des classements des sucres : c’est donc un « secret » que de savoir ce que je peux potentiellement consommer !
Conclusion sur la Malto
Pour les sportifs assidus en quête de performances, je recommande aux athlètes de diminuer leur entraînement les derniers jours précédant la compétition et d’augmenter de façon significative leur apport en glucides (9 à 12g/kg/jour) les 3 jours précédant le départ : voir mon Régime Dissocié Modifié. Côté pratique, je conseille la plupart du temps que cette augmentation se fasse en partie avec la prise d’une boisson de l’effort à base de glucose notamment. Comment augmenter ses apports en glucides ? Il est difficile de part l’alimentation seule d’atteindre le niveau voulu en glucides. Je recommande en complément d’utiliser des boissons de l’effort d’apport glucidique (« maltodextrines + glucose + fructose » ou « maltodextrines + fructose ») et/ou des barres de l’effort à base de glucose et/ou fructose, pour augmenter significativement sa ration glucidique.
Enfin, pour terminer, les maltodextrines sont constituées de 1 à 9% de glucose et ont pour la plupart des indices glycémiques élevés (c’est à dire « d’assimilation rapide »). Concrètement, est-il nécessaire de consommer des boissons de type maltodextrines pour augmenter son apport en glucides afin de surcompenser en glycogène? Je ne pense pas étant donné qu’il n’existe pas à ce jour de preuves de l’efficacité des maltodextrines seules pour augmenter les réserves glycogéniques. Ainsi, les boissons contenant uniquement des maltodextrines à IG plus élevé que bas n’ont pas d’intérêt supérieur significatif comparé à une boisson essentiellement glucosée et/ou surtout fructosée , pour réaliser la « mise en réserve glycogénique », sinon le côté commercial. En effet, elles sont souvent préconisées par le marketing sportif pour augmenter nos réserves en glycogène.
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Nicolas AUBINEAU
Diététicien Nutritionniste du sport et en clinique