L'alimentation par discipline

L’alimentation au rugby

Par Nicolas - 11 minutes de lecture
alimentation au rugby

Pour vivre, l’homme a besoin d’énergie, cette énergie est nécessaire non seulement pour maintenir nos fonctions vitales (respirer, digérer…) mais aussi pour nous permettre d’effectuer différentes tâches  (se déplacer, penser…). Cette énergie provient de l’alimentation. C’est en effet à partir de la dégradation des différents macronutriments (glucides, lipides, protéines) contenus dans les aliments que nous produisons l’énergie. Cette dégradation, de même que la production d’énergie, nécessite également l’utilisation d’autres molécules appelées micronutriments (vitamines, minéraux, oligoéléments…). De plus, en dehors de ce rôle dans la production d’énergie, les différents nutriments sont nécessaires pour d’autres fonctions essentielles pour l’organisme au cours de l’effort. C’est le cas, par exemple, dans les mécanismes de la contraction musculaire. Notre alimentation doit donc être adaptée à nos besoins quotidiens sur le plan quantitatif mais aussi qualitatif et ce, quelle que soit la discipline.

Sommaire

Introduction à l’alimentation du joueur de rugby

Le rugby est un sport très complet et qui possède des types de postes et de joueurs bien définit : avants vs arrières, force vs vitesse… outre le travail physique au rugby qui est très compliqué, l’alimentation doit aussi en tenir compte.

Pour les joueurs de rugby, l’alimentation quotidienne doit :

  • respecter les grands principes de l’alimentation afin de répondre aux besoins physiologiques de base ;
  • être adaptée à la dépense énergétique induite par l’effort, au type de substrat utilisé pendant l’exercice (lipides, glucides, protéines), et tenir compte des pertes en eau et en minéraux (sodium, potassium…) contenus dans la sueur ;
  • être adaptée à la fréquence des entraînements et des matchs tout en prenant en compte les besoins liés à l’activité professionnelle pour les rugbymen amateurs et semi-professionnels ;
  • favoriser la construction musculaire quelque soit le poste ;
  • être adaptée dans le but de gérer de manière optimale le poids du corps sans nuire à la puissance musculaire.

Les conditions environnementales comme la température extérieure ou le degré d’hygrométrie seront également des éléments à prendre en considération. 

Les erreurs les plus fréquentes des rugbymen sont :

  • une alimentation souvent mal organisée et déstructurée du fait de l’association vie professionnelle – vie privée – vie sportive,
  • une tendance à la consommation trop importante d’acides gras saturés,
  • une consommation parfois excessive de protéines,
  • une mauvaise gestion du rapport poids corporel / puissance musculaire,
  • une hydratation souvent mal organisée,
  • un grignotage fréquent,
  • des conditions environnementales trop peu prises en compte pendant l’effort.

De telles erreurs entraînent des conséquences néfastes pour le rugbyman : déficiences en certains micronutriments, entraînements moins efficaces, récupération plus difficile, diminution des capacités physiques, techniques, cognitivo-tactiques et psychologiques induisant une diminution de la performance en match, risque de blessures, fatigue accentuée, risque plus important de surentraînement…

L’alimentation du joueur de rugby sur le plan quantitatif

Concernant le rugby, peu d’études se sont attachées à évaluer les besoins énergétiques quotidiens totaux des joueurs, et les études disponibles posent des problèmes de méthodologie. Une étude a mesuré les apports énergétiques moyens chez des rugbymen semi-professionnels âgés de 24 ans en moyenne. Elle indique des apports quotidiens d’environ 4000-4200 kcal chez les avants, et d’environ 3700-4000 kcal chez les trois-quarts. Pour les auteurs de cette étude, ces apports caloriques semblaient convenir aux joueurs. Lors d’un match, soit deux fois 40 minutes de jeu environ, l’intensité moyenne individuellement développée est proche de 80 à 85% de la Puissance Maximale Aérobie (PMA). En football, avec une durée de match d’environ deux fois 45 minutes, les joueurs au niveau élite semblent jouer à une intensité moyenne de 70% de la consommation maximale d’oxygène (VO2max). 

Pour les sports de force, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA) conseille une l’alimentation quotidienne, lors des entraînements, répartie de la façon suivante : 55% de glucides, 20% de lipides et 25% de protéines. Pour les sports d’endurance, l’AFSSA préconise cette répartition : 65% de glucides, 20% de lipides et 15% de protéines. Etant donné la spécificité importante des différents postes en rugby, il est difficile de conseiller une répartition identique pour l’ensemble des joueurs. Ainsi, je recommande aux joueurs de rugby d’individualiser leur répartition en fonction des caractéristiques de leur poste. Par exemple, concernant les apports conseillés en protéines, les caractéristiques du jeu des avants peuvent amener à se rapprocher de la répartition préconisée par l’AFSSA pour les sports de force. À l’inverse, les trois-quarts s’identifieront plus dans les recommandations établies pour les sports d’endurance.

Le rugby nécessite des qualités d’endurance mais aussi de puissance (force-vitesse). Un des objectifs des joueurs de rugby est par conséquent le développement de la masse musculaire. Ce développement nécessite un apport en protéines supérieur à celui conseillé chez les sportifs d’endurance. Pour rappel, ces besoins sont de 1,1 g/kg/jour (soit 99 g de protéines/jour pour un individu de 90 kg) chez des coureurs bien entraînés (2 à 4 entraînements par semaine). Chez des sportifs pratiquant un sport de force, les recommandations actuelles sont comprises entre 1,5 et 2,5 g de protéines/kg/jour (soit entre 135 et 225 g de protéines/jour pour un individu de 90 kg). De même que pour l’apport calorique quotidien, je recommande aux joueurs de rugby d’individualiser la quantité de protéines quotidienne en fonction des caractéristiques de leur poste. Néanmoins, un apport minimum de 1,5 g/kg/jour semble nécessaire pour l’ensemble des joueurs. Je rappelle toutefois qu’il n’y a pas de relation linéaire entre la prise quantitative de protéines et l’hypertrophie musculaire (prise de masse et volume). Au-delà d’un certain apport en protéines, aucun gain supplémentaire en masse musculaire n’est observé. De plus, un apport excessif en protéines semble nuire à la construction musculaire. En effet, un apport quotidien en protéines trop important risque d’induire une acidose chronique de bas niveau si l’apport d’aliments alcalinisants n’est pas suffisant, ce qui est souvent le cas dans notre alimentation moderne. Or, cette acidose chronique de bas niveau diminue la synthèse protéique et augmente la protéolyse, c’est-à-dire la dégradation des protéines. Ainsi, un apport en protéines trop important risque d’induire une acidose chronique de bas niveau qui sera responsable, entre autres choses, d’une diminution de la masse musculaire. C’est donc tout l’inverse de l’effet recherché !

Chez les joueurs de rugby, on peut parfois observer une diminution importante de la prise alimentaire afin de réduire le pourcentage de masse grasse. Lors de ces régimes restrictifs, l’apport en protéines devra particulièrement être surveillé afin d’équilibrer la balance azotée, c’est-à-dire d’équilibrer le rapport entre synthèse et dégradation des protéines, pour conserver la masse musculaire. 

Après des séances de musculation, je recommande la consommation de boissons de récupération riche en glucides et protéines, boissons optimisées pour une construction musculaire efficace et réfléchie. Vous pouvez réaliser vous même votre boisson de récupération maison ou tout simplement regarder celles du commerce : tableau comparatif des boissons de récupération du marché français mis à jour tous les ans.

L’alimentation du joueur de rugby sur le plan qualitatif

Pour les glucides, il faudra privilégier des aliments à index glycémique moyen ou bas c’est-à-dire induisant une augmentation lente du taux de glucose dans le sang. En règle générale, les aliments les moins raffinés, et notamment les produits céréaliers complets comme le pain complet, pâtes complètes, riz complet…, présentent un index glycémique bas à moyen contrairement aux aliments très raffinés comme le pain blanc, le sucre blanc…

Pour les lipides, on distingue 3 grandes classes d’acides gras : les acides gras saturés, les acides gras mono-insaturés et les acides gras polyinsaturés. Pour la ration lipidique, la répartition suivante est conseillée : 25% d’acides gras saturés, 60% d’acides gras mono-insaturés et 15% d’acides gras polyinsaturés. Pour ceux-ci, il est conseillé un apport équilibré en acides gras polyinsaturés de la série oméga 6 et oméga 3. Néanmoins, actuellement dans les pays occidentaux, la majorité des personnes présentent une sub-déficience, voire une déficience, en acides gras oméga 3, il faudra donc privilégier un apport d’oméga 3. Ceci est particulièrement important chez le joueur de rugby car ces acides gras ont des rôles importants au niveau du fonctionnement du cœur, des muscles mais aussi au niveau d’autres tissus (cerveau, intestin…).cf. Article sur les lipides.

Pour les protéines, elles sont constituées d’acides aminés. Parmi ces derniers, il faut distinguer les acides aminés non essentiels, c’est-à-dire que l’homme sait synthétiser, et les acides aminés essentiels, c’est-à-dire que l’homme ne sait pas synthétiser. Ces derniers acides aminés doivent donc impérativement être apportés par l’alimentation en quantité suffisante. 

Certains acides aminés, les acides aminés dits branchés ou BCAA (leucine / isoleucine / valine), peuvent affecter le métabolisme des protéines de l’organisme au repos en augmentant la synthèse et en réduisant la dégradation des protéines structurales. C’est en particulier le cas de la leucine. Ainsi, la prise orale de ces acides aminés permettrait de favoriser la construction musculaire. Néanmoins, il est à rappeler que l’ensemble des acides aminés est nécessaire. Un déséquilibre trop important en un acide aminé pourrait compromettre la construction musculaire. 

Les acides aminés branchés peuvent avoir également une autre importance chez le joueur de rugby car leur ingestion pourrait permettre de limiter la fatigue centrale, et donc in fine d’augmenter la performance en match.

Un autre aspect qualitatif important à mentionner est la teneur en micronutriments des aliments, c’est-à-dire leur teneur en vitamines, minéraux, oligo-éléments, polyphénols… En effet, ces micronutriments sont nécessaires pour maintenir un bon équilibre dans l’organisme. Par exemple, les antioxydants comme les polyphénols, les vitamines C et E ou le sélénium sont indispensables pour neutraliser les radicaux libres produits en permanence par nos tissus responsables du stress oxydatif. Toute déficience en un micronutriment peut avoir des répercussions sur notre organisme et donc sur notre capacité à nous entraîner. In fine, la performance lors d’une rencontre peut être affectée. C’est notamment le cas pour le magnésium ; en effet, beaucoup de joueurs ont des taux de magnésium relativement bas ce qui peut perturber la contraction musculaire et favoriser l’apparition des crampes, divers troubles fonctionnels et troubles digestifs. La transpiration favorise les pertes en parallèle de certains minéraux comme le potassium, le sodium, le calcium et bien sûr le magnésium. Un recours aux compléments alimentaires peut être alors intéressant en plus de l’alimentation.

Notons que le mode de cuisson ainsi que la conservation des aliments peut influencer leur teneur finale en micronutriments. 

Répartition de la prise alimentaire chez le joueur de rugby

Pour des dépenses énergétiques supérieures à 3000 kcal/jour, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA) recommande 4 repas par jour : deux principaux (déjeuner et dîner), ainsi qu’un petit déjeuner copieux et une collation prise au moins 1 h, voire 2 h, avant l’entraînement. Les apports hydriques (eau) se feront en petites quantités pendant les repas et très régulièrement entre les repas, une demi-heure au moins avant et à partir de deux heures après. Il faut prévenir la déshydratation synonyme de contre-performance.

Conclusion sur l’alimentation du joueur de rugby

Chaque rugbyman est unique et les caractéristiques individuelles de chacun font que l’environnement (diététique, psychologique, physique, technique, tactique,…) ne sera jamais identique. Pensez à ajuster les apports alimentaires en fonction des besoins spécifiques de chaque joueur de rugby. Gardez à l’esprit : ce qui s’applique à l’un ne s’applique pas forcément pour le partenaire d’entraînement ! Enfin, fiez-vous à des professionnels de l’entraînement (entraîneurs qualifiés, préparateurs physiques diplômés) et de santé (médecins du sport, diététiciens nutritionnistes, psychologues…). Eux seuls peuvent vous guider dans votre démarche de performance.

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Nicolas AUBINEAU
Diététicien Nutritionniste du sport et en clinique